1. Le certificat médical circonstancié, une exigence légale. Toute demande de protection judiciaire (sauvegarde de justice, curatelle, tutelle) déposée au greffe du Juge des tutelles doit comporter un certificat médical circonstancié, à peine d’irrecevabilité (art. 431 C. civ.). Afin de limiter les demandes de protection abusives, le législateur a imposé qu’à la demande de protection, formulée par un proche du majeur vulnérable ou par le procureur de la République (art. 430 C. civ.), soit joint un certificat circonstancié rédigé par un médecin choisi sur une liste établie par le procureur de la République. En effet, pour qu’une personne bénéficie d’une mesure de protection juridique, il faut que soit caractérisée médicalement une altération de ses facultés mentales* qui interdise à la personne de pourvoir seule à ses intérêts (art. 425 du Code civil). C’est bien le moins en effet, que des éléments médicaux soient fournis, afin de permettre un débat devant le Juge des tutelles, concernant l’opportunité d’une mesure de protection judiciaire, dont l’effet sera de sécuriser la liberté civile d’une personne par une restriction de l’exercice de ses droits.
2. Le certificat médical circonstancié, condition préalable mais non suffisante. Si l’exigence d’un certificat médical établi par un médecin expert est une condition préalable au prononcé d’une mesure de protection judiciaire, elle n’est évidemment pas une condition suffisante : au-delà du fait que la personne concernée peut avoir recouvré ses capacités intellectuelles entre le moment où un médecin expert l’a examinée, et la date de son audition devant le juge des tutelles (qui interviendra plusieurs semaines voire plusieurs mois après l’enregistrement de la requête), il n’est pas rare que la motivation du certificat médical – son contenu –, présente des insuffisances qui devront être mises en lumière devant le Juge des tutelles, par l’avocat de la personne concernée.
Il m’arrive fréquemment de défendre des personnes que des proches (frères, neveux, enfants, etc.), avec lesquels le dialogue s’est rompu, voudraient bien voir placer sous curatelle renforcée ou sous tutelle, et qui, profitant d’une chute malheureuse, d’un accident domestique de leur parent ou d’une convalescence qui se prolonge, s’empressent de missionner un médecin expert au chevet de la personne hospitalisée. Au jour où il établit son certificat, le médecin expert n’aura d’autre choix que de constater de bonne foi que la personne n’est pas en possession de tous ses moyens. Les enfants saisissent immédiatement le Juge des tutelles ; la personne se remet, mais cela, le juge des tutelles ne le sait pas encore : la procédure est lancée. Il faut alors solliciter rapidement une audition et présenter de nouveaux éléments médicaux contredisant, conformément à la vérité, le premier certificat qui n’a plus lieu d’être… La préparation d’un dossier requiert pour l’avocat et son Client – qui forment un binôme, et doivent être liés par un sentiment de confiance – une réelle énergie.
Par ailleurs, la médecine est un art, pas une science. Une appréciation médicale peut être erronée : la qualité d’une expertise médicale est fonction des qualités humaines et de l’expérience du praticien. Et ce d’autant plus que l’inscription par un médecin sur la liste des médecins experts, est seulement déclarative : si des praticiens remarquables s’y trouvent, il suffit à un médecin (généraliste, neurologue, psychiatre) de demander à y figurer, pour l’être. Aucune compétence objective supplémentaire n’est requise, aucun examen, au-delà du diplôme de médecin, n’est exigé, aucun critère (ancienneté, par exemple) n’est imposé… Il faudra bien un jour réformer cela.
3. Le rôle de l’avocat rompu à cette matière est essentiel, pour démontrer au Juge des tutelles que son Client, apte à pourvoir à ses intérêts, ne doit pas faire l’objet d’une mesure de protection judiciaire. En revanche, lorsque le Client a besoin d’une mesure de protection, l’avocat doit veiller à ce que la mesure de protection demandée soit adaptée à son état et strictement proportionnée à ses besoins : là où une curatelle simple suffit, une curatelle renforcée n’est pas nécessaire.
Valéry Montourcy, Avocat au Barreau de Paris
Droit des majeurs vulnérables (sauvegardes de justice, curatelles, tutelles)
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* Ou de ses facultés corporelles lorsqu’elles celles-ci entravent l’expression de sa volonté.
** Voir notre précédent article publié sur ce blog le 31 juill. 2012, Le rôle de l’avocat devant le Juge des tutelles (http://www.legavox.fr/blog/maitre-valery-montourcy/role-avocat-devant-juge-tutelles-9163.htm#.U_efkMscRHY)